dimanche 15 juillet 2012

Gilles Peterson's WorldWide Festival 2012 ¤ Clubber's Digest

Teaser.
Les sympathiques aventures de Didier NewBell, qui rejoint quelques amis dans le Sud de la France pour écouter et voir un max de super concerts.

Lundi 2 Juillet. Arrival.
C'est le grand jour du grand événement qui nous excite depuis tant de semaines... Nous quittons nos terres d'adoption pour une semaine de festival qui s’annonce TRES remplie. Après-midi en mode "traversée de la France", avec pour ma part deux arrêts-sieste salvateurs en bordure d’autoroute, bercé par le chant des cigales. Arrivée à l'heure de l'apéro, avec une météo absolument parfaite : soleil radieux, température idéale, légère brise de mer, et surtout décor de carte postale : la Méditerranée, le mont St-Clair et une lumière magnifique ! Celui qui a eu l'idée de poser le festival ici était particulièrement inspiré, big up.

Séduction toute méditerranéenne !


Mardi 3 Juillet. Centre Régional d'Art Contemporain (CRAC).
Après un déjeuner plantureux dans notre petite cabane, on arrive un peu en retard mais décontractés pour ce qui sera notre warm-up du Worldwide 2012. Au nombre des t-shirts, débardeurs et autres tenues légères on en déduit que les bonnes vibes sont là et bien là. Notre entrée en matière sera le set d'Alex Patchwork, qui zappe proprement entre techno et hip hop, classiques pas forcément fins mais efficaces et bonnes petites surprises. Les anglais sont nombreux dans la place et apprécient. Gilles Peterson observe tout le monde au coin de la scène, comme il le fera systématiquement jusqu’au dernier jour, tel un Charlie des temps modernes (et électroniques), tout en abusant de tenues bien swag.

Le patron définit l’ambiance... no comment!

Un peu plus d'une heure après notre arrivée, notre premier point focal se présente en la personne d'Onra (Arnaud...), talentueux beatmaker hexagonal que j'ai découvert à la sortie de l'incroyable "Tribute" il y a un peu plus de cinq ans (props to EyeBender). Dans la fournaise du CRAC, il nous gratifie d'une heure de mix (à deux MPCs !!) regroupant ses prods d'abord à base de beats extrême-orientaux (les Chinoiseries) puis de tueries modern funk. Balancée à un volume plus faible que le dj précédent, sa performance peine à convaincre l'assistance qui ne connaît tout simplement pas assez les tubes en puissance que sont "Mechanical" (si j'ai bien entendu) et surtout les incontournables 'The Anthem" et "Clap Clap".

Alex Patchwork et Onra se succèdent sur la scène du CRAC.

La seconde partie de set (et son feeling bouncy) aurait vraiment mérité d'être proposée en début de soirée pour en maximiser l'effet. En revanche tout le monde s'accordera pour décerner à Onra le prix du premier bg de ce festival. Récompense qu'on n'attribuera pas à son successeur onstage, le vétéran Dj RKK alias Rémy Kolpa Kopoul (Nova fame). Ses faux airs (quoique assez vrais tout de même...) de La Boule de Fort Boyard, sa silhouette de bouliste et sa gestuelle surannée derrière ses machines offrent un décalage saisissant avec l'essaim de hipsters qui lui fait face. Son set démarre cash sur des tracks éculés qui font évidemment mouche, mais pour nous ça ira, il faut qu'on se prépare car il y a du grand spectacle ce soir à ce qu'il paraît...


Du hipster en pagaille (credits RBMA).

Mardi 3 Juillet. Théâtre de la Mer.
C’est la première scène exclusive de la semaine, avec tout d’abord notre Gillou semi-national en direct du Théâtre de la Mer. Rien qu'en descendant de voiture, on sent venir la grosse claque tant le cadre est majestueux et idyllique, au carrefour de la montagne (demandez aux coureurs du Midi-Libre) et de la Méditerranée ! Vestige des fortifications de la ville édifiées il y a quatre siècles, ce fort reconverti en théâtre est un régal pour nos mirettes. Et comme nos tympans sont eux aussi furieusement titillés à mesure que nous approchons de l'entrée, on sent que la jauge d'émotions va partir dans le rouge. Effectivement ! L'arrivée dans cet antre à l'ambiance survoltée est un choc incroyable, entre l'extraordinaire feeling engendré par la selecta de GP (on arrive), la foule exubérante et surtout cet impact visuel si intense qu'on pourrait s'évanouir dans l'instant ! Le face-à-face avec la pleine lune se reflétant dans la mer nous dilate les pupilles comme jamais... Grandiose !

Le Théâtre de la Mer en mode clubbing... SO GREAT!

Côté son, c'est le Gilles P. qu'on aime et qu'on recommande, alternant les tubes récents et révérés (Todd Terje, Love Like Birds, Jamie XX...) et des pépites brésiliennes ou groovy 60s-70s toutes délicieuses, dont plusieurs entendues ce soir-là ont tout simplement fait germer ma propre collection et constituaient l'essence de Gorgeous 70s, à l'époque de Radio Pulsar et des débuts d'Hidden Ear. Grands frissons notamment pour "Winchester Lady" de Bob James, 1976, CTI 6063, ainsi que l'ultra-classique "Tombo in 7/4" d'Airto Moreira, 1972, CTI 6028... les pictaviens comprendront. Vu le résultat obtenu pour cette config club, l'impatience de tout défoncer à la rentrée bordelaise m'est fugacement revenue. Thank ya, Gilles.

Dj Gilles Peterson et son set ultra léché !

Le show est ensuite laissé aux bons soins de Moodymann, auréolé de sa réputation de bad boy sulfureux. L'énergie est immédiatement palpable pour son set powerful qui nous transporte pendant toute la première heure, parole d'head banger ! Ensuite les choses se tassent un peu, et le boom-boom a raison de nos énergies bien entamées à cette heure avancée de la nuit. Néanmoins le choc émotionnel a dépassé toutes nos espérances et de très, très loin. Word up!


Mercredi 4 Juillet. Beach Stage.
Arrivée en milieu d'après-midi sur le front de mer sétois pour la fin de la prestation des gars de Channel One, qui nous offrent d'excellents tracks reggae. Après c'est au tour de LV et son set regorgeant d'edits bien pensés, avec toujours quelques samples de funk à griller (Bill Summers...), yip.

Interview du combo Channel One par Radio Campus France, yup.

En tout cas l'ambiance est vraiment chouette dans notre parc, mais à vrai dire ma préoccupation première est d'aller batifoler dans la Méditerranée, que je n'avais pas revue depuis dix ans et plu(s) tutoyée depuis plus longtemps encore. Je n'attends donc aucune intervention divine pour aller exulter dans le bassin protégé par la digue qui fait face au site retenu par l'orga sur la corniche de Neuburg. Elle est bonne... mais super salée. Rrreuh.
 
Mercredi 4 Juillet. Théâtre de la Mer.
Arrivée en retard, again, pour le début de cette soirée, avec d'abord Ashley Beedle dont on n'entendra que les quinze dernières minutes. Il nous envoie des beats house un brin putassiers mais néanmoins efficaces, et dans l'ensemble c'est plutôt bourrin et rigolo, donc kiffable. On n'a certes plus l'effet de surprise d'hier, mais c'est toujours aussi dingue d'imaginer qu'on puisse clubber dans un endroit aussi enchanteur. Et encore non, y a pas à imaginer, ça se passe pour de vrai et on est là pour ça !!! Quel pied (what a foot)... Arrive ensuite David Rodigan et sa formule sound-system reggae. Pour ma part je suis totalement réfractaire à ce zapping permanent qui consiste à ne jamais laisser un morceau tourner plus d'une minute et demie (généralement vingt à trente secondes) pour le couper avec un effet bidon, un son de corne de brume ou une inter au micro digne de Yannick Chevalier. Ok parfois c'est rigolo, mais on pourrait aussi écouter la musique, non ? Bah. Et encore, je ne détaillerai pas l'impression relativement désabusée que je retire systématiquement d'un set reggae, a fortiori délivré par un whitey. En tout cas on a beaucoup crié "Pull Up", c'était sûrement pour la chasse d'eau. Enfin, c'est au belge Mala (cofondateur de Digital Mystikz) de clore la soirée avec un set d'un tout autre calibre. Alors que quelques gouttes de pluie éparses viennent troubler la fête, la fosse où nous sommes descendus est en fusion dès que sont lancés les premiers riffs survitaminés. C'est du VRAI dubstep qui arrache la tête, yep. Néanmoins comme hier la qualité va se diluer dans le temps et il vaut mieux partir avant la fin... Dont acte.


Jeudi 5 Juillet. Beach Stage.
Les choses sérieuses vont crescendo avec quelques gros talents de l'excellent label Eglo Records aujourd'hui sur la plage : d'abord l'un des plus fameux résidents de la radio anglaise Rinse FM en la personne d'Alexander Nut, qui nous gratifie d'une sélection hip hop old school tant efficace que pointue. Superbe ! Son set se termine avec plusieurs prods domestiques dont une exclu pour finir qui devrait être disponible à la fin du mois. Wow. C'est ensuite Floating Points et son set only vinyl (yeah), qui s'accorde qualitativement avec la prestation précédente. Au début et à la fin de sa presta, Sam Sheperd est accompagné de la chanteuse Fatima, habituée des collaborations avec les meilleurs beatmakers imaginables sinon existants. Oui, c'est bien sa voix stellaire qu'on entend sur le fabuleux "Cook, Clean, Pay the Rent" de Teebs ! A part ça le set est terrible, à base de funk, jazz funk, jazz fusion, musique brésilienne… le tout saupoudré de basses costaudes voire implacables (vas-y, essaye de résister). Dommage que celles-ci aient tendance à ramper sur le sable, obligeant à délaisser la serviette pour profiter d'un son correct. Surtout que la météo nous a lâchés, mais pas de pluie heureusement en tout cas pour l'instant.

Ciel tourmenté pour le set de Floating Points (credits RBMA).
 
Jeudi 5 Juillet. Mole St-Louis.
Les intempéries obligent les organisateurs à déplacer les concerts initialement prévus au Théâtre de la Mer. La soirée se déroule donc uniquement au phare ce qui fait le bonheur des festivaliers qui n'avaient pas le pass adéquat, mais pas le nôtre car l'endroit est quand même beaucoup moins sexy. Pour y accéder, il faut déjà se taper plus de cinq minutes de marche sur des pavés disjoints et ce soir on se retrouve debout pour voir des groupes qui n'incitent pas franchement à la danse. Mouais... Le set d'Eska, très posé et assez classe connaît même quelques soucis de son, changement de scène oblige. On a droit à une musique folk lancinante et douce qui reste impeccablement exécutée et participe de la bonne ambiance de ce début de soirée, l'affluence n'étant pas encore totale. LeFtO s'occupe de combler les changements de plateau avec son set groovy inspiré mêlant classiques (Roy Ayers Ubiquity, Young-Holt Trio...) et actus (Lorn, Disclosure...). Très bien, surtout pour un format si réduit (à peine vingt minutes) : pas le temps de s'ennuyer. Alors que le temps se gâte vient le tour du Robert Glasper Experiment, première "grosse" tête d'affiche (hors dee-jays) de ce Worldwide Festival 2012. Le leader est au Rhodes bien sûr, accompagné de trois sérieux clients : Derrick Hodge à la basse, qui fête son annive sur scène, Chris Dave à la batterie (j'ai mal au dos rien qu'à voir sa position !) et surtout Casey Benjamin aux chant, saxophone et synthé-guitare.

Casey Benjamin, l'attraction du set de Robert Glasper Experiment.
 
Ce dernier est l'un des instigateurs du projet quasi mort-né HEAVy, l'une des plus excitantes parutions du label Kindred Spirits. Pour ma part, j'avais gardé un souvenir ému de ce polyinstrumentiste patenté, découvert au festival "Jazz au Fil de l'Eau" de Parthenay. C'était il y a plus de dix ans (déjà...), dans le groupe de Dj Logic, qui au passage invitait Vernon Reid. En tout cas le bonhomme m'avait sérieusement impressionné par sa verve et son lyrisme au sax alto, ainsi que par son approche du combo Rhodes/talk box, qui éclipsait totalement la performance des autres zicos. D'ailleurs c'est un peu ce qui est arrivé à Glasper ce soir... Bien installé au centre de la scène, notre ami Casey n'a pas besoin d'être très démonstratif, abusant un peu de son vocoder (l'a-t-il lâché pendant le set ?!). L'absence de variations d'effets sur la voix au cours de la prestation accentue cette impression de texture à la fois moelleuse et soporifique. Heureusement, le répertoire du quartet comprend quelques smash hits qui nous maintiennent en haleine. Ceux qui connaissent la période faste de Herbie Hancock (qui était à Bordeaux trois jours plus tôt) ont pu reconnaître deux classiques des seventies dont le fabuleux "Butterfly", presque lascif ici... Peu avant la fin, et alors que la pluie a cessé, la reprise de "Smells Like Teen Spirit" ne déclenche pas de clameur particulière, à croire que les gens n'ont pas reconnu le morceau ?! Nul doute que les cœurs ont tout de même battu un peu plus fort pendant ces trois ou quatre minutes. Prestation moyenne dans l'ensemble pour ce groupe de fusion moderne, mais les conditions n'étaient pas évidentes non plus. On regrette de ne pas avoir pu voir ce quartet au Théâtre de la Mer, en tout cas dans un cadre plus intimiste. LeFtO revient ensuite pour nous servir sa crème mais les esprits sont un peu chagrins, excusez-nous car on va sagement rentrer au lit pour être sûrs d'affronter le weekend sans temps mort, surtout que les orages clignotent à l'horizon. Rrron.


Vendredi 6 Juillet. Beach Stage.
C'est la grosse journée de la semaine, et ça commence sur la plage avec du mega fat (c'est le moins qu'on puisse dire...) en la personne du vétéran Carl Cox qui va envoyer trois heures de gros son !! Alors que le soleil est de nouveau radieux, c'est une sélection majoritairement boogie-funk fin 70s qui nous est servie, très laid-back pour les deux premiers tiers car le bonhomme a tendance à sérieusement dépitcher ses morceaux, et avec un usage raisonné de la boîte à effets. Mais ce warm-up prolongé permet à tous les festivaliers de ressentir la progression du set, car weekend oblige la plage est sérieusement encombrée par rapport aux journées précédentes. D'abord assez deep et lorgnant vers les productions soul ou R&B (Bill Withers, Gilberto Gil, Daryl Hall & John Oates...), le set finit par intégrer quelques tracks plus connus (The O'Jays, GrandMaster Flash...) au bout d'une heure et quart en proposant également une accélération de tempo. Las, le soufflé retombe assez vite et jusqu'à 17h. A ce moment la plage est bondée et les tubes s'enchaînent : dans le désordre on a eu droit à Hot Chocolate (Heaven Is in the Backseat of my Cadillac), Side Effect (Always There), MFSB (K-Jee), Dennis Coffey & the Detroit Guitar Band (Scorpio), Joe Bataan (The Bottle), Chic (Dance (Everybody Dance)), KC & the Sunshine Band (That's the Way I Like It), Roy Ayers Ubiquity (Running Away), The Mohawks (The Champ), Patrice Rushen (Forget Me Nots), etc... de quoi faire un quatre à la suite fingerz in da nose. Tout le monde est on, comme quoi un festival de groove est possible, il suffit de bien le vouloir. Et puisque l'ambiance le vaut bien notre cher Carl Cox se paie le luxe de finir en retard, vers 18h20. Cela aura son incidence sur la suite...

Beach Stage with Carl Cox, oh ye...

Vendredi 6 Juillet. Théâtre de la Mer.
Nous disions donc... Short session car nous n'arrivons que pour le troisième et dernier groupe programmé : les anglais de Portico Quartet, qui nous gratifient d'une prestation fidèle à leur ligne de conduite, magnifiée dans leur dernier album : musique envoûtante et évolutive mêlant nappes éthérées et flashs rythmiques nerveux, avec quelques élements de free plus ou moins aboutis. L'ensemble prend le relais de la météo pour électriser l'atmosphère et les organismes... effet constaté et validé.

Une certaine classe, ce Portico Quartet (credits dimarocks).
 
Toute l'assistance est sous le charme, des amateurs de rock et pop (mainstream ou non) aux electrophiles plus ou moins jazzeux, en passant par les élitistes pointilleux dans mon genre... mais qui ont accepté de goûter à tout cette semaine, et sans le moindre remords. Allez, on regrette quand même d'avoir raté la prestation de Gang Colours (reprogrammé à l'heure de la douche) dont le dernier opus en date est une réussite complète, ainsi que le trio du trompettiste Matthew Halsall, qui apparemment a impressionné son monde lui aussi. Tant pis.

Vendredi 6 Juillet. Mole St-Louis.
Le temps de changer d'endroit (un bon quart d'heure, avec pour ma part des restes d'oursin dans le pied gauche...) et nous voici au pied du phare pour une soirée fort éclectique, à base de hip hop, powerpop et house. On débarque pendant le set de 2morrows Victory, qui avec sa formule survitaminée MC+drumkit+progs (les beats sont joués live) constitue une très agréable surprise. Props to Rafael Powell qui se montre à la fois inventif et efficace derrière ses tambours (qui claquent comme c'est pas permis !), pour un résultat à la fois straight et varié, de quoi donner de sérieux complexes à Madlib... Originaire de Chicago comme l'indique son costume de scène, le MC Greg B offre une performance vocale de tout premier choix (super flow) et nous ramène aux meilleurs heures du hip hop indé, quand Busdriver, Saul Williams ou Roots Manuva nous semblaient alors incarner l'avenir du genre... une autre époque. On reparle de Rodney Smith dans l'interlude hip hop de LeFtO, qui nous envoie l'imparable "Witness" bientôt suivi de l'inénarrable "Fuck the Police" de Dilla. Que c'est fat... Je pense de nouveau à cette putain de street soirée prévue à l'automne et qui va TOUT DEFONCER !!! Mais pour l'heure ce sont nos oreilles qui risquent de l'être pour la presta de Badbadnotgood si nous ne trouvons pas rapidement des bouchons. Malheureusement ceux-ci filtrent les fréquences intéressantes, en particulier celles du piano, et le rendu devient extrêmement sale... ce qui est presque un exploit puisque ce groupe n'est composé que de trois musiciens ! On doit alors s'exiler en fond de public pour pouvoir enlever les bouchons et retrouver une balance correcte, mais dans l'ensemble l'énergie engagée par le trio canadien (notamment par ce petit mec qui sautille avec une basse) ne convainc pas autant que leurs videos officielles. On les retrouvera avec plaisir dans notre salon. Après un dernier envoi de LeFtO (ce mec va-t-il réussir à nous décevoir ?), il est maintenant 1h30 et le lourd du lourd va nous prendre au corps, avec trois sets house gigantesques prévus jusqu'au petit jour. D'abord Kieran Hebden aka Four Tet qu'on ne présente plus... Les chevaux sont très vite lâchés et les beats singulièrement progressifs même si ce ciselage subtil est moins facile à apprécier qu'un bon boom-bap, parole de festivalier. On apprécie quand même de déceler "Ne Noya" de Cos-Ber-Zam (en version revisitée par Daphni) en début de mix. Là encore de nombreux tâtonnements niveau son sont à déplorer et nous sortent un peu du truc. Néanmoins les Anglais sont dans la place et ne se gênent pas pour nous le rappeler avec leur classe habituelle, et la chaleur latente de la foule occulte totalement le vent marin. On est chauds !!!

Four Tet plutôt bien installé sur la scène du Mole St Louis.
 
Après un énorme morceau sur les coups de 2h-2h02, c'est l'ultra classique "Aldeia de Ogum" de Joyce qui vient proprement découper ce set en deux parties bien égales. Malheureusement la seconde sera globalement moins accessible et donc moins palpitante. Néanmoins c'est le haut du panier en matière de zapping musical : electronica, house, dub, free jazz, reggae, tout y passe... et tout ça dans le bon ordre. Wow. La Bristol connection s'invite ensuite en la personne de Julio Bashmore, dont l'efficacité dans le choix des beats est proprement bluffante ! Cette fois ça y est, tout le monde décolle. Je peaufine mon head banging (aucune courbature le lendemain matin !) sous les yeux exorbités de mes voisins qui se demandent à quoi je peux bien tourner. Franchement j'aimerais vous le dire, mais c'est secret.

Julio Bashmore aux affaires.
 
Scuba ferme le ban avec un set bien underground mais tout aussi cohérent que ce qui a précédé. L'attaque des kicks est absolument démente, et le feeling 100% anglo-saxon de ce set mi-acid mi-indus transcende la foule encore bien "kompakt" (sic) à cette heure-ci. Vive le gros son ! Enfin surtout grâce à ces diables d'enceintes Funktion-One, terriblement adaptées aux basses puissantes. Après une dernière grosse suée vers 4h40, il faut penser à rentrer parce que mine de rien on n'est qu'au début du weekend...


Samedi 7 Juillet. Théâtre de la Mer.
Today is wasted day! Enfin, par la force des choses... On dort le matin et on finit de déjeuner vers 17h30… Comme ça on pourra arriver à l'heure au Théâtre de la Mer ? Eh oui, petit exploit. On aurait franchement eu tort de s'en priver, tant la lumière est parfaite en ce début de soirée dans l'enceinte du fort. Magie ! C'est le trio néo-zélandais Electric Wire Hustle qui passe en premier, pour notre plus grand plaisir puisqu'il fait partie des immanquables qui nous avaient décidé à venir profiter de cette semaine méditerranéenne.

Prestation enthousiasmante du trio Electric Wire Hustle au Théâtre de la Mer !

Alors qu'on manquait franchement d'air cet après-midi, la tramontane se lève et refroidit les corps, mais pas nos esprits... La musique du trio est parfaite, à l'image de leur opus paru sur BBE : une voix touchante servie par d'impeccables rythmes, aussi bien joués (par le second bg du festival, hands down) que programmés, et des riffs de guitare ou basse tranchants, simples et efficaces. C'est tout simplement somptueux ! On groove, on est transportés, balladés (sic), envoûtés... L'attrait indéniable de ce set réside dans la remarquable progression des morceaux, tous étirés sur près de dix minutes, démolissant le format single sans coup férir tout en magnifiant l'onirisme de la scène qui nous est offerte. Bonheur ! New Zealand rules. En revanche nous nous sentons moins concernés par la musique de Tinariwen, qui toutefois s'intègre parfaitement aux lieux ne le nions pas, et nous prenons le chemin du phare.

Magnifique scéno pour Tinariwen, toujours au Théâtre de la Mer !

Samedi 7 Juillet. Mole St Louis.
Encore une soirée electro bien chargée avec tout d'abord l'excellent et prolifique beatmaker suisse Dimlite, qui propose lui aussi une formule hybride avec drumming live (en la personne du batteur Julian Sartorius), créant une dualité organique-synthétique bienvenue vis-à-vis des nappes programmées, tout en apportant un focus supplémentaire sur scène. Franchement ça le fait, dommage qu'on ne soit pas encore complètement dedans... En effet l'ambiance est plutôt foutraque avec un bon parterre de lycéens bourrés à la bière, et beaucoup de gens venus pour se montrer et se la mettre le samedi soir, donc pas très concernés ni concentrés. On enchaîne sans trop de rapport avec le rap épileptique de Grems, scandé à la vitesse d'un serial blender (sic). Son flow est vif et hyper-taffé, tout comme celui de son accolyte Entek d'ailleurs, lequel ne pratique pourtant en MC que depuis un an à peine (belle perf). Construit sur des beats certes puissants mais peu originaux, le set pêche par des textes assez moyens et (surtout) par certains slogans qui font frémir. "C'est l'esprit de la chose" me glisse-t-on à l'oreille. Mon cul ouais. On aurait pu être moins vexés si ces propos n'avaient pas été énoncés dans notre langue natale, mais comme disait un glorieux sétois, "quand on est con"... Nuffsaid. Heureusement la suite est bien plus réjouissante : profitant de l'absence de Loefah qui a loupé son avion et ainsi frustré bon nombre de festivaliers, c'est le natif de Detroit Claude VonStroke qui débarque pour nous offrir LE mix house de ce festival pendant plus d'une heure et demie. On profite enfin d'une excellente qualité sonore, et les beats progressifs et parfois surprenants se dansent absolument sans effort tant le groove est profond, enfin deep quoi. T E R R I B L E ! ! !

Set mémorable de Claude VonStroke au Mole St Louis...

Le crachin qui tombe sur les coups de 3h n'entame pas l'énergie des clubbers, et on a même le droit à un petit quart d'heure de drum 'n' bass vers la fin du set. N'oublions pas de saluer les très beaux inserts visuels qui font vraiment XXIe siècle, contrastant avec les videos style youtube diffusées pour Machinedrum, qui clôt de facto les débats du moment. Son set drum 'n' bass est bien barré et forcément moins dansable que ce qui a précédé, mais néanmoins efficace et varié, et donc là aussi très apprécié. Oui.


Dimanche 8 Juillet. Beach Stage.
Dernier jour et derniers efforts à produire... Le mistral se calme un peu en milieu d'aprèm mais pas les clubbers, qui sont de plus en grand nombre cet après-midi au point de rendre problématique l'étendage des serviettes au milieu de cette foule très dense. On arrive pendant le set de LeFtO, majoritairement house et donc plus bourrin que les fois précédentes, bientôt suivi par l'excellent Atjazz qui nous offre un set similaire, efficace mais un poil fatigant pour nos organismes éreintés. Et l'agitation de cette fin de festival ne nous permet pas vraiment de nous reposer pendant la bronzette. F#ck... Forcément, pour ceux qui ne sont arrivés que pour le weekend, c'est plus facile de se la coller et l'ambiance est quand même bien funky, avec moult camés around. Heureusement c'est notre cher Gillou qui mixe en dernier et il nous envoie le tant attendu set latin-brésilien qui sied si bien avec le clubbing de plage. Friendly vibes everywhere !

Le dernier beach stage...

Dimanche 8 Juillet. Mole St-Louis.
Cette fois ça y est, la fin est proche... mais l'affiche est toujours de tout premier choix ! On s'offre quand même un sympathique resto sur les quais, ce qui nous fait manquer une paraît-il très solide prestation de Gregory Porter. On arrive peu après minuit, pendant l'ultime mix de Gilles Peterson, qui n'aura décidément pas été le moins en verve cette semaine. Bien sûr c'est toujours un sans-faute, avec de très bons moments house et une transition excellente vers le set boogie-funk de Kon (qui faisait auparavant la paire avec Amir Abdullah). Au programme : des edits de morceaux généralement TRES connus, à l'image du "Give Me the Night" inaugural. Ensuite on reconnaît Chic, The Players Association, Donna Summer, Michael Jackson... et beaucoup de fat funky basslines. Même si certains s'ennuient (pas moi), il faut rappeler que c'est la formule "accessible" de Kon et qu'il assure aussi des prestations du même niveau que ses compilations, ie. extrêmement pointues.

Dj Kon aux platines pour un set grave groovy... yeah.

L'important ce soir est de détendre le public ce qui paraît plus simple avec du funk qu'avec de la techno. Les morceaux proposés sont majoritairement midtempo, histoire là encore d'assurer la transition avec ce qui suit : l'apparition tant attendue de Nicolas Jaar. Je m'étais renseigné à son sujet, mais sans doute pas assez car je ne m'attendais pas à une réaction du public aussi enthousiaste et même délirante. Reconnaissons toutefois qu'il y a pléthore de qualité(s) dans la musique de ce trio et donc de quoi plaire à tout le monde, ce qui dans ce contexte est indéniablement positif, surtout venant d'un jeune artiste (j'ai mal à mes trente ans !). Une fois la machine lancée, c'est une succession de montées et descentes vertigineuses tant en rythmes, nappes et timbres. L'impact émotionnel est très intense, il n'y a qu'à regarder dans quel état de transe l'assistance est transportée, on dirait Woodstock sans la pluie ! Je suis moi-même profondément marqué par les variations sensibles de tempo (ça change des djs sets très droits qu'on a eus jusque là) et surtout par l'impact des sons, kicks ou basses, qui à gros volume prennent une ampleur ahurissante. Evidemment c'est plus facile quand on blaste, encore faut-il le faire correctement... ce qui est le cas. La qualité de prod est inattaquable ! Qui va s'en remettre ? Peut-être pas les novices dans mon genre...

Clotûre du festival par une énorme presta de Nicolas Jaar !

Même si ce n'est a priori pas ma came (ça va le devenir) je considère que ce concert constitue l'apothéose rêvée du Worldwide Festival 2012. Mention spéciale pour la variété des genres abordés et sublimés par Jaar, entre house, ambient et pop, et pour la prestation du guitariste (celle du saxophoniste paraissant assez anecdotique) qui a vraiment toute sa place dans une performance globale d'un si haut calibre. Fantastique ! Le leader revient seul pour un long rappel, mais le début du morceau sera éclipsé par un hooligan à fumigène venu nous rappeler que Montpellier a fini champion cette année, sous les yeux d'un staff mi-amusé mi-gêné par cet énième pied-de-nez fait au service d'ordre. La conclusion de cette folle semaine est laissée à Koreless, et franchement ce n'est pas un cadeau qu'on lui fait vu le niveau atteint juste avant. En effet il n'y aura pas grand chose à retenir de ces nappes sans saveur qui auraient méritées d'être proposées à l'heure de la sieste. En même temps, c'est un peu l'heure d'aller dormir... Nos jambes cotonneuses sont là pour nous le rappeler.


Lundi 9 Juillet. Departure.
Cette fois, la jauge est bien vide. Même pas la force de débriefer, de toute façon il va falloir cleaner la place rapidement. En tout cas ce fut une très, très grosse expérience, et on a une tonne de souvenirs à rendre jaloux tous les amis qui nous retrouveront à notre retour at home. Ce qui est la preuve de vacances réussies, quelle que soit la tristesse au moment du départ...

Ciao Bye Sète... See You next time!