mercredi 15 mai 2013

Focus on the Plexus Records tapes


Flash-back. En 1963, la société Philips dépose le brevet de la musicassette, avec en filigrane l'ambition de permettre au grand public de domestiquer la bande magnétique. Faisant irruption sur le marché du support musical à la fin des années 60, la cassette n'aura pour elle, passé l'effet de nouveauté puis de mode, que son accessibilité financière (en accord cependant avec la qualité perçue), sa compacité et par là même son côté pratique indéniable (merci les autoradios, les baladeurs et les boomers !). Décriée dès la décennie 70 avec l'amorce d'une baisse des ventes de disques au prétexte qu'elle offre un moyen bon marché de les dupliquer, et après un pic de popularité dans les années 80 grâce à la portabilité du walkman et au déclin du vinyl, la cassette s'éteint peu à peu avec le renouvellement des supports, CD en tête, ne résistant que dans les marchés retardataires et chez les irréductibles pointilleux, en particulier les producteurs de musique expérimentale.
Mais voyez comme la vie réserve de belles surprises : en 2013, tout juste cinquante ans après la naissance de la K7, le jeune Guillaume Saintillan se lance dans la production musicale physique avec la ferme intention d'être plus deep que la moyenne. Plutôt discret, le garçon a quand même pignon sur rue avec sa boutique spécialisée dans les disques vinyl en plein centre ville de Poitiers : Plexus Records. Un nom, un blog, une référence immédiate. Immédiate et objectivement évidente au vu de la conjoncture...
En remarquant que cassette + production indépendante + 2013 = deep, notre homme tente un pari particulièrement culotté : dérouler le tapis rouge à de jeunes talents en devenir, en investissant pour ce faire un espace déjà bien encombré tout en revendiquant une place à part ET enviable. Equation sans solution ? Nenni. Nous vivons une période troublée et troublante mais il y a encore de belles choses à inventer, surtout musicalement. Dont acte...
Cette expérience accouche finalement de quatre beat tapes au sens strict du terme fabriquées chacune en cinquante exemplaires : quatre fois une heure d'instrus soignées et prêtes à l'emploi, à l'originalité et l'identité affirmées. Produites sur ordinateur et ensuite enregistrées sur bande (!!), voilà un contre-pied-de-nez risqué et presque snob fait aux pratiques courantes, mais parfaitement assumé en pleine ère numérique... Audacieux. Les quatre fantastiques ont pour nom Mr Hone, Maodea, Meyso et Oteest : la crème des beatmakers de l'ouest, de France, du monde. Ces trublions supportent aisément la comparaison avec les pointures du genre, même californiennes. Résolument hip hop, leurs productions se distinguent néanmoins par un territoire propre à chacun : les découpes chirurgicales de voix soulful chez Mr Hone, un feeling extrême-oriental déroutant chez Maodea, des références-révérences au Brésil et au jazz-fusion chez Meyso (avec toujours cette snare qui perfore les tympans sans crier gare), et de l'electro instable chez Oteest. Qualité totale, hands down. Lourdeur des samples et feeling onirique des morceaux, puissance des sons malgré la qualité k7 : ça fait mal comme un coffret de chez Numero Group ! Impensable mais vrai.
Exclusivité oblige, au bout d'une semaine il n'y en avait déjà plus à vendre... et nul doute qu'aucun heureux acquéreur ne se séparera de ces petits fétiches avant longtemps. Il semble toutefois rester un micro-stock chez http://vinyl-digital.com, alors magnez-vous car cela ne durera pas éternellement... Et pour savoir ce que vous ratez, et accessoirement en prendre plein les oreilles, le sampler des K7 est toujours accessible sur http://plexusrecordstapes.bandcamp.com.
Reste donc à suivre d'ultra-près l'actualité de cette bande d'esprits foisonnants, et attendre les prochaines parutions estampillées Plexus Records : le glorieux format vinyl devrait être à l'honneur d'ici peu.
Et n'oublions pas de saluer l'excellent artwork signé Noky de l'Agence Capsule, ainsi que la dernière deepitude en date chez Plexus Records, parue à l'occasion du Record Day : le lost first album de Mr Hone, disponible au format CD en quantité tout aussi limitée... Don't sleep!

mercredi 1 mai 2013

Atmosphere ¤ Jazz-Rock


Reprenons le chemin du Luxembourg pour ce nouveau post qui nous fait découvrir quelques-uns des meilleurs musiciens du Grand-Duché. Réunis dans le groupe Atmosphere, Gast Waltzing (trompettiste), René Nuss (pianiste), Guy Schadeck (saxophoniste), Heng Kleren (bassiste) et Al Lenners (batteur) ont de très sérieux arguments à faire valoir. Toujours en activité de nos jours, ces messieurs ont débuté leur carrière discographique par ce présent album enregistré à la fin de l'année 1980 et à la dénomination explicite, à défaut d'être subtile : "Jazz-Rock". Au moins devine-t-on de quoi il sera question... Permettez-nous de vendre la mèche : il y aura plus de jazz que de rock. Et c'est très bien comme ça.
De par sa conception rigoureuse et sa qualité d'enregistrement de haute volée, ce disque attire d'emblée l'attention. Le titre inaugural "Ultima" fait d'ailleurs forte impression, avec son intro discoïsante (qu'on retrouve en outro) débouchant sur un excellent passage swing, et ses synthétiseurs aux timbres judicieusement choisis : le Moog est en bonne place, comme chez le Return to Forever mid-70s. Les mélodistes s'en donnent à coeur joie : sax, trompette et piano pseudo-Rhodes dans cet ordre. Le morceau suivant "Little Elephant" n'est pas une ballade mièvre comme on en rencontre sur certains albums du genre, mais plutôt un groove downtempo des plus appréciables. La qualité d'écriture y est pour quelque chose... C'est l'un des quatre morceaux composés par Gast Waltzing, lequel poursuivra une carrière très honorable dans l'enseignement et la création de musiques de films. La face A se termine sur un long morceau progressif intitulé "De Nice" qui monte tranquillement en température et offre un court mais roboratif tempo de samba avant de conclure en douceur.
Le groove downtempo (j'aime cette expression) est de retour sur la face B pour la première partie du morceau "Valcam", alternant avec quelques escapades en tempo dédoublé. On suit le mouvement, en planant... puis débarque une trompette wah-wah et ça repart en double-double. Pas de doute, les gars ont digéré les albums phares du jazz 70s US, notamment ceux des Brecker Brothers. Petit indice pour les producteurs : c'est dans ce track que vous trouverez les meilleurs samples. On clôt les débats avec "Images" et son ostinato de basse tournant sur 8 temps. A mi-chemin le tempo redevient strictement binaire en alternance avec du swing (again). Waaah. Dans le jargon on dirait que "ça claque bon dieu". On enchaîne avec une petite séance de 4/4 incluant le baryton et le piano. Hein quoi ? C'est déjà fini ?? Mince alors, on n'a pas eu le temps de s'ennuyer...
Soyons clairs : cet album est une vraie réussite. Sonorités, ambiances et mélodies sont suffisamment travaillées pour propulser cet album méconnu au panthéon de l'euro groove, et pas seulement 80s. De plus, il n'apparaît même pas daté du haut de ses + de trente ans. Chapeau bas.

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